Histoire des Perruques, ces « Horribles Buissons de Vanité ! »

De tout temps, en tout lieu, les cheveux ont exercé une sorte de fascination sur les hommes et les femmes. Les manières dont ils se portent sont un puissant identifiant de statut social, économique, intellectuel ou sexuel.

Et plus encore que les cheveux naturels, les perruques ont été utilisées pour des raisons médicales, de déguisement, de cérémonies ou comme marqueurs d’une élite sociale. Des anciennes reines égyptiennes aux membres actuels de la cour britannique, les perruques ne sont pas seulement décoratives. Elles sont des marqueurs d’identification individuelle et communautaire.

Voici une rétrospective sur l’usage des perruques depuis l’Egypte ancienne jusqu’au monde actuel.

Accrochez-vous, c’est un article assez long…

L’ancienne Egypte et ses perruques

Des perruques retrouvées dans des tombes témoignent d'un usage fréquent
Des perruques retrouvées dans des tombes témoignent d’un usage fréquent

Des artefacts égyptiens et des peintures murales sur d’anciennes tombes montrent que les perruques étaient fréquentes (Love, 2001).

La plupart des Egyptiens trouvaient plus facile de se raser les cheveux que de les garder propres et exempts d’insectes ou de parasites face au soleil et au climat égyptien.

Mais comme ils ne pensaient pas non plus qu’être chauve présentait un attrait esthétique, ils portaient une grande variété de perruques, à l’exception des prêtres et des ouvriers.

Ces perruques n’essayaient pas de simuler de vrais cheveux. Elles étaient généralement composées d’un assortiment de tresses de tailles variables fixées avec de la cire d’abeille ou quelque chose d’approchant, donnant un effet visuel plutôt raide (Corson 1965).

Alors que toutes sortes d’individus portaient des perruques, elles servaient aussi d’éléments de distinction sociale.

Il n’était pas rare que les femmes des classes supérieures possèdent plusieurs grandes perruques décoratives de styles différents.

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Les perruques les plus chères étaient faites de vrais cheveux, mais elles étaient plus souvent fabriquées à partir de laine et de fibres de feuilles de palmier.

Seules les femmes nobles pouvaient porter de longues perruques qui étaient séparées en trois parties, appelées «robe des dieux » (Cooper 1971). Tandis que les cheveux bruns foncés été parfois portés, ces perruques étaient également teintes en rouge, bleu et vert.

Les perruques communes étaient généralement bien ventilés mais peu confortables lorsque portées à l’intérieur. Pour rafraîchir le crâne, on y plaçait des gâteaux de cire parfumée. La cire fondante était censée fournir un effet de refroidissement.

Elles étaient entretenues avec des huiles végétales et animales, et régulièrement lavées et parfumées avec des pétales de fleurs ou de la cannelle. Comme les Egyptiens estimaient que les perruques continuaient d’être des symboles de richesse et d’importance dans l’au-delà, ils étaient souvent enterrés avec leurs perruques (Corson, 1965).

Dans la Grèce Antique et à l’ère Romaine

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Dans la Grèce antique, les cheveux naturels étaient considérés comme sacrés. En fait, les Grecs accrochaient souvent les cheveux du mort sur leurs portes avant l’inhumation, et les pleureuses coupaient leurs propres cheveux pour le placer sur le cadavre.

Les grecs avaient tendance à porter leurs cheveux de manière naturelle mais les perruques étaient monnaie courante.

Par exemple, il est écrit que le général Hannibal le Grand (247-183 avant JC) avait deux types de perruques : l’une pour améliorer son apparence et l’une pour se déguiser dans la bataille.

Les riches pouvaient aussi couronner leurs perruques par des guirlandes de fleurs ou des diadèmes d’argent et d’or.

Les acteurs grecs portaient aussi des perruques sur scène. La couleur et le style de coiffure donnant une indication sur la nature et le profil de caractère des personnages incarnés (Cooper, 1971).

Les cheveux romains se portaient plutôt simplement avant l’Empire.

Les premières femmes romaines, comme chez d’autres peuples anciens, pensaient que les cheveux étaient sacrés. Leur lavage et leur coupe étaient une cérémonie. Ce n’est qu’après la création de l’Empire du temps de Livia (an 58 avant JC – an 29 après JC) que les styles de coiffure deviennent plus élaborés et les perruques plus populaires. Jules César lui même (100-44 avant JC) aurait utilisé une perruque et une couronne de laurier pour cacher sa calvitie (Corson 1965).

L'impératrice Messaline portait des perruques blondes
L’impératrice Messaline portait des perruques blondes

Célèbre pour ses nombreuses perruques jaunes, l’impératrice Messaline (17-48 après JC) ne les portait parait-il que lors de ses visites nocturnes dans un bordel. Pour exercer, les prostituées romaines étaient aussi obligées de porter une perruque jaune ou avoir les cheveux teints en jaune pour afficher leur profession.

Ce qui causa de la confusion plus tard, lorsque certaines matrones romaines firent des cheveux jaunes une couleur à la mode en portant des perruques blondes fabriquées à partir de cheveux d’esclaves allemands ou en décolorant leurs cheveux.

Faust l’Ancien (100-141 après JC) aurait porté plus de trois cents perruques et Caligula (12-41 après JC) aurait été fan d’un grand capillameus, une perruque complète.

Cela étant, les chauves Romains, hommes et femmes, préféraient peigner leurs cheveux pour masquer leur calvitie plutôt que de porter une perruque.

La popularité des perruques et des cheveux artificiels n’empêchaient pas qu’elles soient aussi l’objet de moquerie lorsque portées par des femmes et des hommes qui souhaitaient manifestement paraître plus jeunes ou cacher leur âge (Corson, 1965).

Dans l’Europe chrétienne et pendant une grande partie du Moyen Age, les perruques perdirent en popularité

L'Eglise voyait le port de perruque comme un péché
L’Eglise voyait le port de perruque comme un péché

Les perruques continuèrent à être portées après que Rome devienne chrétienne (313 après JC), mais l’Eglise n’hésita pas à les critiquer et à l’assimiler à un péché mortel.

Cyprien, par exemple, aurait déclaré que « l’adultère est un péché grave, mais celle qui porte de faux cheveux est coupable d’un plus grand pêché. » Clément d’Alexandrie déclarait que lorsque les porteurs de perruques étaient bénis, la bénédiction restait sur la perruque et n’atteignait pas le porteur (Corson 1965).

Dans l’Europe chrétienne et pendant une grande partie du Moyen Age, les perruques perdirent en popularité car l’Eglise les condamnait, voyant en elles des marqueurs du diable.

Ce n’est qu’au XVe siècle que l’on retrouve des traces écrites d’hommes qui en portaient de temps en temps pour cacher leur calvitie. En 1450, des perruques pubiennes ont même fait leur apparition en tant que dispositif pour couvrir les pustules syphilitiques et les verrues gonococciques (Cooper, 1971).

En 1520, la trésorerie royale de Henri VIII versa vingt shillings pour la confection d’une perruque pour Sexton, le fou du roi. Il est aussi admis que Henri III de France (1574-1589) renouvela la mode des perruques quand il a commencé à en porter une pour dissimuler ses cheveux clairsemés.

Renouveau de la perruque sous la couronne d’Angleterre

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La Reine Elizabeth aurait eu plus de 80 perruques

À la fin du XVIe siècle, un grand nombre de faux cheveux étaient utilisés en Europe. Dès le début du règne de la reine Elizabeth (1558), les perruques devinrent un élément indispensable de la garde-robe d’une dame, et de plus en plus populaire auprès des hommes.

En Angleterre, les perruques de femmes étaient souvent teintes en rouge comme un hommage à la reine Elizabeth qui avait les cheveux roux naturel et au moins 80 perruques.

Il fut aussi dit que Marguerite de Valois (1553-1615) gardaient ses servantes blondes pour fournir des cheveux à ses perruques.

Catherine de Médicis (1519-1589) a également contribué à populariser la perruque et paya une femme pour les cheveux de sa fille.

Quant à Marie d’Ecosse (1542-1587), elle avait une collection encore plus grande que la reine Elizabeth, de perruques d’apparence ailées ou en cornes (Corson 1965).

XVIIe siècle, le Roi Soleil ou l’âge d’or des « Horribles Buissons de Vanité »

Le XVIIe siècle apporta un changement sans précédent pour les hommes. Bien que la faction puritaine du Parlement anglais, que l’on appelait les «Têtes rondes» pour leurs coupes de cheveux courtes et sombres, pestait contre les perruques, et que certains pasteurs refusaient l’accès dans l’église à toute personne portant une perruque, ce siècle a vu le renouveau de l’utilisation répandue des perruques pour les hommes comme au temps de l’Egypte ancienne.

Les perruques de Louis XIV étaient un symbole de la puissance et de la magnificence du Roi Soleil
Les perruques de Louis XIV étaient un symbole de la puissance et de la magnificence du Roi Soleil

Le roi français Louis XIII portait une perruque pour cacher sa calvitie. Il créa des charges de perruquier, véritable point de départ de l’institutionnalisation de cette profession.

Suite à une intoxication alimentaire et une fièvre typhoïde qui lui firent perdre beaucoup de cheveux, son fils Louis XIV, futur « Roi Soleil », commença à porter temporairement une perruque avant même d’avoir 20 ans.

En vieillissant, ses cheveux, qu’il portait toujours longs, commencèrent à se raréfier à cause d’une calvitie.

Louis XIV se mit à porter de grandes perruques de manière permanente. Aucune sortie ou représentation publique ne se faisait sans perruque royale, bouclée ou frisée, tombant jusqu’aux épaules.

D’abord blondes, elles devinrent brunes, noires puis blanches ou cendrées, recouvertes de poudre blanche et parfumée, à mesure qu’il vieillissait. Il eut plusieurs perruquiers à son service, Binet et Quentin étant les plus célèbres.

Le Roi étant faiseur de mode, tous ses courtisans commencèrent à porter des perruques. Et cet usage se propagea au point que toutes sortes d’hommes et de femmes (qui étaient plus susceptibles de porter des extensions), de tous âges, se mirent à le copier.

Il était à la mode de recoiffer ses cheveux en public avec de grands peignes. Pour un homme, une perruque était le couronnement de son apparence, et il n’était pas inhabituel de passer des heures à l’arranger et à la saupoudrer.

Les grandes perruques étaient considérées comme un investissement, parfois au même niveau que d’autres objets de valeur.

Certaines perruques coûtaient des fortunes, jusqu’à 1000 livres tournois (1 livre tournois = 15€ de 2002). Ceux qui ne pouvaient pas s’en offrir portaient leurs cheveux de manière à ressembler autant que possible à une perruque. En France, à la fin du XVIIe siècle, la fabrication de perruques était bien établie et source de nombreux emplois. Sans surprise, le vol de perruques se développa, certains se spécialisant dans le vol des passagers en fiacres.

L’engouement pour le port de la perruque se propagea jusque dans le Nouveau Monde, malgré les protestations des ministres puritains.

Alors qu’Increase Mather, le président de l’Université d’Harvard déclarait que les perruques étaient « d’horribles buissons de vanité», son fils Cotton et de nombreux membres du clergé adoptèrent cette mode.

Les perruques étaient aussi populaires dans le Sud des Etats Unis, au point que de riches propriétaires et exploitants de plantation en portaient.

Même les esclaves qui ne pouvaient se permettre des perruques authentiques en fabriquaient à partir de coton et de poils de chèvre (Cooper, 1971).

XVIIIe-XIXe siècle : Les perruques comme symboles d’une aristocratie en sursis

Elles se raccourcirent vers le début du XVIIIe
Elles se raccourcirent vers le début du XVIIIe

Au début du XVIIIe siècle, les perruques continuaient à être populaires. La mort de Louis XIV en 1715 mis fin à l’engouement pour les perruques extravagantes et la mode commença à favoriser des perruques moins prétentieuses.

Il y eut aussi des tentatives pour intégrer les perruques de manière plus naturelle dans la chevelure, en combinant et en mélangeant les cheveux de la ligne frontale avec le bord avant de la perruque. Au final, ces perruques partielles et plus petites donnèrent naissance au toupet ou « touffe de poils ».

Poussé par la famine et la cherté du pain, il y eut des émeutes à Caen en 1713 et 1715. Il fut notamment reproché que la farine nécessaire à faire du pain était utilisée par des aristocrates pour poudrer leurs perruques. Faisant gonfler les prix de la farine alors que le pain représentait 80% de l’alimentation des classes populaires.

Dans les années 1760, la plupart des hommes portaient leurs propres cheveux et, en 1765, des perruquiers inquiets de Londres demandèrent au roi d’exiger par la loi que les hommes portent des perruques.

La disparition définitive de la perruque semblait être liée à la Révolution française car elle était associée à l’aristocratie.

Mais il s’en portait encore au dix-neuvième siècle, principalement chez les hommes âgés et les conservateurs (Cooper, 1971). En Angleterre, la tradition des avocats et des juges « perruqués » des XVIIe et XVIIIe siècles continuait ainsi que dans plusieurs pays africains (Kenya, Ghana) gouvernés par la Grande-Bretagne. Mais au début du XIXe siècle, les coupes de cheveux des hommes se firent plus courtes, plus naturelles, sans poudre, et faisant place à un nouvel attrait pour les poils du visage (Corson 1965).

Les Perruques Modernes

Au XXe siècle, les perruques firent un petit comeback lorsque le coiffeur Carita revisita cet accessoire pour les modèles Givenchy lors d’un défilé de mode à Paris en 1915. Le magazine Life rapporta l’histoire, contribuant à casser l’image associée aux perruques, celle d’un accessoire de distinction sociale pour les riches et les nobles.

Les années 1950 virent un engouement pour les perruques fleuries.

Et en 1963, l’industrie de la perruque fut à nouveau bien établie. Elles étaient portées pour des raisons médicales, par des stars de cinéma, et pour couvrir « des problèmes de cheveux» (Cooper, 1971). Beaucoup de femmes les trouvaient pratiques, déposant simplement leurs perruques au salon de coiffure pour les récupérer plus tard. Il était même possible d’acheter une perruque de cheveux humains blanchis et décolorés que l’on pouvait teindre à sa guise. Et à côté des perruques complètes, les postiches (cheveux montés sur une bande) étaient aussi populaires. Pour les moins riches et ceux qui ne pouvaient se permettre d’acheter la perruque blonde la plus chère, les perruques étaient aussi disponibles en location (« pay-as-you-wear« ).

En 1964, l’arrivée des Beatles et de leur coupe de cheveux façon XVe siècle revisité, déclencha un engouement pour les perruques Beatles. Et comme il y eut des voleurs de perruques aux XVIIe et XVIIIe siècle, le vol de perruque augmenta au cours des années 1960 tandis que d’autres personnes étaient victimes d’escroqueries à l’achat de perruque (Corson 1965).

Au XXIe siècle, les perruques continuent à être utilisées pour les mêmes raisons qui les ont vu naître : recherche d’esthétisme, déguisements festifs ou cérémoniaux. A des coûts qui n’ont peut-être jamais été aussi peu élevés étant donné que c’est un marché qui lui aussi s’est industrialisé, en Asie surtout.

A titre personnel, j’utilise parfois des perruques fantaisies dans des cadres festifs, et c’est vrai que je pourrais aussi trouver marrant d’en porter une de manière permanente. Histoire de changer de tête et de voir ce que ça peut donner.  Peut-être que je le ferai un jour mais pour le moment je n’en ressens ni l’envie, ni le besoin.

Et vous ? Vous en portez ? Vous pensez quoi des perruques ?

Références des bouquins cités dans cet article :

Cooper, Wendy. 1971. Hair: Sex, Society, and Symbolism. New York, NY: Stein and Day Publishers.
Corson, Richard. 1965. Fashions in Hair: The First Five Thousand Years. London, England: Peter Owen Limited.
Love, Toni. 2001. World of Wigs, Weaves, and Extensions. Florence, KY: Cengage Learning.

Plus d’infos sur l’âge d’or des perruques : http://www.histoire-pour-tous.fr/histoire-de-france/4432-les-perruquiers-du-roi.html. Et là des indications sur le prix des cheveux bruts et des perruques à cette époque : http://www.sfdermato.com/media/pdf/fmc/louis-xiv-1-dca168fca55897a46e84d1321e249142-0bb613c613c01ac1817609155657bef5.pdf

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